En route depuis Abidjan pour la France, nous faisions une dernière étape dans le Haut Atlas. Nous étions dans la vallée des gens heureux d’où nous partions pour une marche vers le deuxième plus haut sommet du Maroc, le mont M’goun. Nos amis Berbères, habitants de la vallée, nous accompagnaient. Nous disposions aussi de deux mules qui se chargeraient agréablement, pour une bonne partie de la randonnée, des bagages. Tous les préparatifs avaient été faits la vielle et le jour n’était pas encore tout à fait levé que nous marchions déjà vers les sommets.
Dans les montagnes
La marche d’approche a durée plusieurs jours. Traversant des vallées perdues, passant des cols plus ou moins difficiles nous cheminions vers l’objectif dans une bonne humeur constante. Le soir après s’être régalé des mets préparés par notre cuisinier les instruments de musique sortaient pour profiter encore un peu de la journée. Les nuits où nous n’avions rien trouvé d’autres se passaient sous une tente commune où chacun profitait d’un sommeil réparateur. Souvent nous demandions l’hospitalité dans les villages, les soirées nous emmenaient la visite des habitants, nous apportant de petits cadeaux de bienvenus. En plus de nous héberger gratuitement !
Quand nous montrions des signes de fatigue Omar demandait si nous étions « pièces détachées », une façon de dire fatigués, ou plutôt très fatigués. Notre fierté nous faisait refuser l’adjectif jusqu’au moment ou cela devenait difficile de nier. Plus haut, le vent nous a rejoints quand nous avons commencé à prendre de l’altitude, un vent terrible qui rendait la randonnée et les soirées moins agréables. Heureusement nous arrivions au refuge qui sert de base à la montée du M’Goun, qui si mes souvenirs sont exact signifie « vent ». L’ascension n’est pas spécialement difficile quand on est un peu montagnard mais il y a, avant la montée finale, une arrête particulièrement exposée au vent sur laquelle il faut faire attention.
Tout a une fin
C’est les larmes aux yeux, longtemps après que les coqs de la maison aient appelés, que nous reprenions le lendemain la petite route en direction de Rabat, ne sachant pas quand la vie nous gratifierait d’une nouvelle visite dans la vallée. La fin de notre visite Berbère mais aussi la fin de notre long voyage. Il n’y avait plus qu’à rejoindre Tanger pour passer notre dernière nuit Africaine dans sa belle médina refuge de nombreux artistes Européens à cette époque. Un ferry nous amenait le lendemain vers les côtes Andalouses à travers le détroit de Gibraltar. Je ne savais pas encore que je m’y établirais quelques temps 25 ans plus tard.
Partis d’Abidjan en juin, nous arrivions mi août en Europe. Avec ses plages surpeuplées, ses bouchons, ses autoroutes, ses prix démesurés, son acharnement sécuritaire, nous retrouvions la vieille Europe sans plaisir. Je ne me souviens que de pauses pour dormir un peu, prendre de l’essence et un café et des heures ennuyeuses d’autoroute.
Nous avions parcouru plus de 10000 kilomètres depuis le départ, un certain nombre sur les pistes difficiles de Guinée et du désert de Mauritanie. Il fallait profiter de l’Europe pour faire quelques réparations, c’était la passion de mon ami Charles, au fin fond de la Corrèze. Dans sa cours, en quelques jours la voiture était mieux qu’au départ, prête pour les prochaines aventures Africaines elle allait prendre place dans un container qui la ramènerait sans forcer à Abidjan.
Charles mon ami, la vie nous a finalement séparée mais de là oú tu es saches que les leçons de mécanique de cette semaine d'apprentissage m'ont servie et me servent encore aujourd'hui.