A la poursuite de l’aventure

https://ipfs.busy.org/ipfs/QmNzfJWsWQ7dLHvXcV6YgYcxZ8NrwWwhgB3av8CQbGYMJf

Fin des années 80, peut-être début des années 90 a progressivement disparue une activité particulièrement intéressante pour les aventuriers en herbe désargentés que nous étions. Ni secrète ni hors la loi, il s’agissait seulement d’acheter une veille voiture en Europe pour aller la revendre en Afrique. Le gain permettait plus ou moins de payer les frais du voyage et le retour.

* * * * *

La genèse d’un projet

C’est lors d’une soirée étudiante, occupation d’importance pour un étudiant responsable conscient que l’important pour son futur c’est son carnet d’adresse, que quelqu’un a évoqué ce principe. Avait-il vu un reportage, connu quelqu’un qui l’avait fait ? Je ne m’en souviens plus. Ce dont je me souviens c’est que ce n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

Pascal était, comme moi, en quête d’ailleurs. Etudiant brillant, champion universitaire de natation, il n’en tirait aucune vanité. Il aimait faire les choses pas sans vanter. Il ne refusait jamais une nouvelle activité quand elle se présentait à lui et pouvait sacrifier son temps et son plaisir pour la vivre. Aussitôt évoquée, cette occasion unique d’un voyage gratuit faisait partie de notre futur. Deux autres étaient avec nous sur la ligne de départ ils n’ont pas passé l’épreuve du temps, ils se sont essoufflés rapidement.

Ce soir d’octobre alors que l’automne pointait son nez sur le sud de la France, au rythme des jours se raccourcissant, le projet se mettait en route. Evoqué à l’apéritif, voté au repas, planifié tard dans la nuit, le projet avait déjà commencé. Cette année nous trouverions l’argent, l’été prochain la voiture, le printemps suivant nous partirions. Je n’avais pas encore 18 ans et donc pas de permis, je devrais attendre décembre pour m’y préparer, il n’y avait pas de conduite accompagnée à cette époque.

Je pourrais jurer qu’au cours de cette année et demie de préparation il n’y eut pas un seul jour où nous n’avons pas réfléchi, parler ou travailler sur ce voyage. Les étudiants Africains que nous côtoyions sur les bancs de l’université, et plus encore à la cité universitaire des Arceaux où nous logions apportaient de l’eau au moulin de notre idée. Ils nous parlaient de la vie qu’ils avaient laissée là bas, leur enfance, leurs amis. Ils nous faisaient gouter des spécialités qui me paraissaient si exotiques, n’ayant jamais voyagé. Tout est si beau quand on est loin.

Le financement

Comme pour tout projet, aussi petit soit il, il fallait un minimum d’argent pour commencer. Nous étions en France ou nous commencions avec une grande tranquillité d’esprit, des études dont la finalité ne nous faisait pas rêver le moins du monde. A défaut de choisir les études nous avions choisi la ville, Montpellier, pour son climat, sa vie nocturne et la proximité de la mer. Il fallait réunir assez d’argent pour acheter une voiture d’occasion. Je ne me souviens plus des montants, suffisants pour devoir se bousculer un peu.

Le premier petit boulot à consistait à faire de la publicité pour une boite de nuit, le Blue Moon si je me souviens bien. Nous faisions le tour des facultés, des restaurants universitaires, distribuant des tracs, collant des affiches par ci par là sur les platanes, les panneaux publicitaires, les murs parfois. La concurrence était rude, les affiches ne restaient pas longtemps sans être recouvertes. Nous rivalisions d’imagination avec des soirées qui se voulaient originales.

Ce milieu de la nuit était un peu addictif. Grisés par une fausse popularité, nous nous pensions important pour avoir beaucoup de connaissances, mais nous finissions par oublier notre objectif. Heureusement, l’été le travail se terminait, les discothèques se remplissaient sans nous. Le milieu ne nous a pas engloutis, l’aventure sortirait de la nuit. Nous finissions avec un petit pactole, une bonne expérience et beaucoup de souvenirs. Nos rêves restaient plus forts que les chimères nocturnes.

Nos dépenses étaient réduites au minimum, nous cuisions des pâtes dans la chambre, vivions à 4 dans 20m2 et laissions le chauffage éteint pour économiser l’électricité. Cela ne nous dérangeait pas, chaque Francs (L’euro n’était pas encore né) économisé était un pas de plus vers l’Afrique de nos rêves.

L’été nous a trouvé à faire la plonge dans un village de vacances. Moins glorieux que publicitaires mais on s’amusait bien. Parfois il fallait aider à décharger des camions frigorifiques vers les congélateurs de la cuisine. Passant de -18º au 35 extérieurs de l’été du sud de la France, nous échangions des rhumes contre des compléments de salaire.

L’automne nous a surpris désœuvrés et malheureux de l’être. Le plan était pour cette année scolaire de trouver la voiture, la remettre en état et partir en mai. C’était cette année ou jamais car nous n’avions quasiment pas d’examens prévus, les années suivantes nous serrions bloqués au mois de juin. Nous avions vu quelques opportunités mais il nous manquait un peu d’argent.

C’était une époque étrange ou sous un président socialiste la bourse fonctionnait à plein, dopée, entre autre, par des privatisations d’entreprises. Etudiant en économie nous touchions cette réalité du doigt. C’était le moment de mettre en pratique et de prendre des risques. Les petits loups de la bourse se sont lancés pour faire croitre leur pactole. Minable réplique des Golden Boys qui agitaient Wall Street nous gérions pourtant avec énergie un montant qui devait représenter 2 ou 3 000 de nos euros actuels.

La chance sourie aux audacieux et d’audace nous ne manquions pas. Spéculant à très court terme, nous avons commencé à gagner un peu puis pris plus de confiance. Si vous pensez que nous avons tout perdu à l’image des joueurs invétérés d’un casino, j’ai le plaisir de vous dire que vous vous trompez ! Nous avions fait grossir notre rêve, juste assez pour passer à l’étape suivante. L’appât du gain n’a pas été notre tendon d’Achille. Les délais pourraient être tenus.

* * * * *

Il fallait maintenant trouver la voiture, le choix s’était porté sur une vieille Mercédès pour plusieurs raisons. La marque avait bonne presse en Afrique et nous pensions la revendre facilement un bon prix. Pascal avait quelques compétences en mécanique et des pièces de Mercédès récupérées de je ne sais trop où pendant que je fabriquais de l’argent avec du vent. C’est ainsi que nous avons du sécher quelques cours pour se concentrer sur la recherche de la perle rare.


H2
H3
H4
3 columns
2 columns
1 column
Join the conversation now