De la valeur des cryptomonnaies

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Début de la fin ? ou fin d’un commencement ?

Pour ceux ayant vécu l’euphorie de l’appréciation vertigineuse de la paire XBT/USD depuis avril 2017 (affichant à l’époque 1 Bitcoin pour 1 000 $), ainsi que d’autres cryptomonnaies concurrentes comme l’Ethereum (ETH) et l’introduction de nouvelles cryptomonnaies explosives durant l’été, la fin de l’année 2017, soutenue par la crise de ce début 2018, semble sonner la fin de l’épiphanie.

Le but de cet article est de donner un rapide aperçu permettant d’appréhender, au moins dans les lignes les plus grandes, les sous-jacents de la valorisation des cryptomonnaies pour tenter d’apaiser les esprits ou de les conforter dans la recherche de la réponse de l’éternelle question :

Dois-je acheter ou dois-je vendre ?

Propos liminaires et Disclaimer :

Les notions abordées ci-après le seront à travers différents prismes simplifiés permettant aux profanes, amateurs et parfois aux plus experts d’envisager la valorisation sous d’autres angles que leur approche de prédilection.

Nous nous appuierons dans cet article sur les notions déjà utilisées dans le marché sans redéfinir de nouveaux concepts. Néanmoins, toutes n’ont pas la même pertinence et doivent être pondérées en fonction des spécificités et interprétations de chaque espèce.

La classification/catégorisation est une étape méthodologique essentielle pour la définition des notions fondamentales. Les classifications sont discutables, ne sont utilisées qu’à des fins pédagogiques et n’ont pas vocation à redéfinir les notions communément admises.

Il faudra garder à l’esprit qu’il n’existe pas UNE seule cause mais une multitude de causes, qui, corrélées, influent sur la valeur. Nous classifierons ces causes mais n’entreront pas dans le détail de leurs synergies/corrélations (exemples : l’annonce d’une nouvelle positive et la confirmation d’une figure technique ; la vente massive d’un des détenteurs historiques et la chute du Dow Jones, etc.).

Les notions employées sont des notions financières qui évoluent avec la pratique des marchés, de leurs intervenants et de l’ensemble des parties prenantes qui s’approprient ces notions. Il est d’autant plus légitime de contester certaines définitions puisque rares sont celles qui s’imposent au niveau mondial comme des normes, à l’instar d’un code en open source, libre à chacun de les reformater pour les adapter à sa propre pratique.

Nous étudierons le cas classique du Bitcoin, transposable à bien des égards aux autres cryptomonnaies. Comme nous le verrons ci-après, cette affirmation s’avèrera de moins en moins justifiée dans le temps.

La simplification réduisant l’analyse et cet article n’ayant pas pour but de rentrer dans un haut niveau de détail de tous les cas évoqués, certains des points de vus envisagés seront contestables mais pourront servir de support à des réflexions ultérieures, gardant à l’esprit qu’ultimement… seul le marché a raison.

Enfin, nous invitons les lecteurs à faire part de leurs connaissances, commentaires et retours opérationnels sur les thèmes abordés et proposer des axes de réflexion pour les articles futurs.

Comme rappelé, les catégories sont arbitraires, certaines se recoupent, les listes n’étant pas exhaustives.

Nous commençons par définir les principaux acteurs et marchés :

I. Notions préalables : Classification

  1. Classification des acteurs :

Les acteurs peuvent être classés notamment en fonction de leur nature, de leurs motivations et de leurs interventions sur les marchés.

a) Nature :

Plusieurs classifications existent :

  •     compétence : professionnels vs. non professionnels ;
    
  •     envergure : institutionnels (buy-side/sell side), sociétés de trading et prestataire de services d’investissements qui ne sont pas des banques, particuliers ;
    
  •     personnes physiques vs robot.
    

b) Motivation :

  •     investissement (détenteurs historiques, mineurs) ;
    
  •     couverture (quasi inapplicable à ce jour) ;
    
  •     spéculation (traders, particuliers).
    

c) Intervention sur les marchés :

Indirecte :

  •     régulateurs/législateurs ;
    
  •     lobbies.
    

Directe :

Rappelons pour le cas du Bitcoin que les investisseurs sont composés des détenteurs historiques ayant participé à son développement, des premiers mineurs qui ont accumulé les Bitcoins depuis leur création, des investisseurs qui croient aux sous-jacents techniques du Bitcoin puis des investisseurs qui estiment que le Bitcoin est un moyen de générer des profits. A ces investisseurs se rajoutent d’autres intervenants qui ont chacun leurs raisons propres de détenir du Bitcoin (pour les transactions réelles, pour diversifier leur portefeuille, etc.). Ces différents investisseurs se partagent la totalité du volume de Bitcoins déjà minés de façon inégale. Pour exemple, les investisseurs détenant entre 100 000 et 1 000 000 d’XBT sont au nombre de 2 et représentent 2 % du marché. Les investisseurs détenant entre 0 et 1 XBT représentent moins de 1% du marché (environ 25 millions d’investisseurs), de 1 à 10 moins de 10 % et environ 20 % pour les catégories d’investisseurs détenant entre 100 et 1000, 1 000 et 10 000, 10 000 et 100 000 (entre 100 et 120 investisseurs). Les investisseurs ayant des détentions significatives sont qualifiés de whales.

Ces investisseurs peuvent être regroupés dans différentes catégories selon leur influence sur le cours des cryptomonnaies :

  •     systémique (whales) ;
    
  •     significative (whales, foule d’investisseurs) ;
    
  •     non significative (particulier).
    
  1. Classification des marchés :

Nous faisons référence aux catégories de marchés existants pour les instruments financiers classiques.

Dans la classification juridique européenne, plusieurs marchés sont distingués selon la nature des instruments financiers qui y sont négociés (vision financière produit) et selon la nature des règles règlementaires qui leur sont applicables (vision juridique). Nous nous intéressons ici qu’à la vision juridique qui nous semble pertinente pour la présente étude.

Les marchés ou plateformes ou de façon plus générique les infrastructures permettant d’acheter ou de vendre des instruments financiers sont classés, selon le degré croissant des obligations règlementaires qui leur sont imposées, comme suit :

  •     OTC (over-the-counter) (de gré-à-gré) ;
    
  •     systèmes organisés de négociation ;
    
  •     système multilatéraux de négociations ;
    
  •     marchés règlementés.
    

Les négociations OTC concernent des échanges bilatéraux et non multilatéraux entre deux personnes sans passer par une plateforme qui coordonne l’offre et la demande. Généralement l’ordre d’achat ou de vente transite via un intermédiaire (un broker/courtier) (mais pas obligatoirement) qui demande à son tour une cotation (un prix) à un market marker/teneur de marché qui possède les liquidités (instruments financiers en volume suffisant pour ne pas impacter ses stocks propres) suffisantes pour donner des prix. Le broker peut aussi directement donner un prix selon les cas. Il n’y a en aucun cas rencontre de plusieurs ordres simultanés capables de définir, même temporairement, un équilibre de l’offre et de la demande. La rencontre de l’offre et de la demande est unique et justifie un prix unique (potentiellement sur ou sous-évalué en comparaison du « juste » prix du marché selon la nature de la transaction et des personnes effectuant la transaction).

Les plateformes coordonnent les offres et les demandes afin de retenir la meilleure offre et la meilleure demande et appareiller les ordres de façon systématique selon des règles propres à leur organisation interne, elle-même régie par les règlementations nationales et/ou supranationales applicables.

De façon très simpliste, nous pourrions comparer un marché plus ou moins organisé avec un site internet de comparateur de prix de billets d’avion et une transaction OTC à un achat d’un billet d’avion à un ami détenant éventuellement le billet recherché.

Sans rentrer dans le détail, les marchés règlementés (anciennement appelés bourses pour la plupart) supportent des obligations renforcées notamment de transparence (relatif à l’affichage des prix, des volumes de transactions, etc.) avant la conclusion des transactions et postérieurement à leur conclusion. Ces obligations sont décroissantes d’un marché règlementé vers l’OTC.

Une des autres obligations majeures consiste à respecter des pratiques anti abus de marché. Ces obligations concernent l’interdiction des délits d’initié et de manipulation des cours. Pour faire simple, il est interdit d’utiliser des informations qui ne sont pas accessibles au public et qui aurait un effet sur le prix si elles étaient connues du public (comme la connaissance d’une éventuelle fusion ou OPA sur une société) pour négocier des instruments financiers (délit d’initié). De même, il est interdit aux traders de « manipuler » le carnet d’ordres afin de donner l’illusion, par exemple, que le cours est haussier alors qu’il ne l’est pas (manipulation de marché). Les cas sont très nombreux et les sanctions très sévères (lorsque le régulateur arrive à prouver le délit, ce qui est très difficile en pratique).

L’ensemble de ces règles s’appliquent aux trois dernières catégories d’infrastructures et ne concernent pas l’OTC.

Le marché des cryptomonnaies est passé peu à peu de la forme d’un OTC à la forme de marché organisé. La multiplication des plateformes de trading (Bitfinex, Binance, Bittrex, Kraken et bien d’autres) en sont les émanations les plus visibles. Néanmoins, à ce jour, les cryptomonnaies et ICO sont traitées comme des échanges OTC puisqu’elles ne sont pas encore reconnues comme des instruments financiers (à nuancer, car certains tokens peuvent, selon les cas et les législations, être considérés comme des instruments financiers) et ne tombent pas sous le joug de la règlementation des marchés. Les plateformes et leurs utilisateurs n’ont donc aucune obligation légale de respecter ni les obligations de transparence ni les obligations relatives à l’abus de marché.

En conséquence, tous les comportements sanctionnables qui ont été peaufinés pour atteindre un haut degré de sophistication afin d’échapper au radar des régulateurs/législateurs peuvent avoir libre cours sur ces plateformes dans la limite des moyens opérationnels de leurs acteurs.

Exemple simple : que se passe-t-il si plusieurs personnes détenant 20 % du marché décident, d’un commun accord, de vendre simultanément tous leurs Bitcoins ? Le prix du Bitcoin diminue de façon significative, entraînant dans le même temps la vente, à la baisse, d’autres détenteurs de Bitcoins. Une fois la crise passée, les vendeurs initiateurs rachètent à bas prix et le cours remonte alors mécaniquement. Ceci explique notamment les baisses successives par palier suivies de remontées éclairs.

Dès lors, la règlementation promise par les Etats ne serait pas nécessairement une sanction à l’encontre de l’économie des cryptomonnaies mais permettrait aussi, selon sa mise en œuvre, de protéger les investisseurs et de prévaloir l’intégrité et la transparence des marchés.

Une fois ces prérequis assimilés, il est nécessaire de comprendre de façon plus exhaustive l’interaction entre l’offre et la demande de ces différents acteurs. Pour cela, il faut, de façon optimale – en continue – mettre à jour les données concernant ces interventions. L’étape suivante ou concomitante, avant de s’intéresser à la valorisation en tant que telle, consiste à collecter et analyser l’ensemble des informations susceptibles de modifier le marché.

II. L’information des marchés

Avant de collecter et traiter les informations purement financières/mathématiques (lecture du carnet d’ordres, analyse des graphes), il convient de s’intéresser aux données d’un point de vue macroéconomique (à savoir au niveau règlementaire, politique, au niveau des différentes régions du monde, pour chacune des catégories d’acteurs et chacune des cryptomonnaies).

Une hypothèse simpliste souvent éprouvée pour les marchés jeunes consiste à considérer que le marché est sensible de façon significative aux nouvelles informations du marché. Cela particulièrement vrai lorsque le marché manque de repères concernant la valeur intrinsèque des actifs (cas actuel des cryptomonnaies), le marché se repose sur les informations susceptibles de modifier l’équilibre instable du prix actuel. Le marché est alors un marché news-driven/dirigé par l’information.

Ces informations peuvent être de toute nature (annonces de nouveaux partenariats commerciaux en relation avec la cryptomonnaie, position favorable du régulateur, amélioration des technologies sous-jacentes, etc.). Une fois collectées, les informations doivent être évaluées pour permettre de définir leurs impacts sur le marché (à court, moyen, long terme). Pour exemple, l’annonce d’une information très favorable d’une avancée technologique sur la blockchain en matière de cybersécurité pourra être compensée par l’annonce simultanée d’une interdiction de spéculer sur les cryptomonnaies en Chine.

Nous n’aborderons pas une partie essentielle de l’analyse de l’information du marché qui consiste à examiner le comportement des investisseurs face à l’information et anticiper leur prise de décision (analyse de comportement). Plusieurs travaux ont été menés à cet effet afin de connaître les facteurs cognitifs responsables de la prise de décision individuelle et collective, allant jusqu’à analyser l’inconscient des individus et le comportement des foules, pour prédire de façon rationnelle les mouvements du marché.

Pour comprendre l’importance de l’information, attardons-nous sur le cas du Bitcoin, emblématique porte étendard des cryptomonnaies, et de manière générale de la technologie blockchain. A la suite de son envolée mirifique l’attention du monde entier a été captée. Comment un concept technologique a pu évoluer de façon si fulgurante (de la création d’un white paper anonyme à une pandémie mondiale de crypto fever) ? De façon simplifiée, les experts technologiques croient en l’avancée technologique que les cryptomonnaies peuvent apporter, les financiers perçoivent l’attrait d’un produit à fort potentiel spéculatif et évoluant dans une zone grise, à l’abri des réglementations. A cela s’ajoute l’engouement disparate des institutionnels pour les cryptomonnaies et la mouvance constante de l’opinion publique entre extrême scepticisme et frénésie consumériste. L’histoire singulière du Bitcoin retrace ces divergences de croyances.

Pour rappel, après la parution du premier white paper par Satoshi Nakamoto en 2009 (pseudonyme aux multiples visages), puis l’utilisation du Bitcoin pour sécuriser les échanges sur le dark net (par l’utilisation de la plateforme Silk Road) consacrant une démocratisation de la monnaie numérique, la valeur monétaire du Bitcoin a remplacé sa valeur technologique et les informations financières ont supplanté les informations technologiques. Ce phénomène peut être expliqué par plusieurs faits :

  •     à l’heure actuelle, il existe encore peu d’applications de la blockchain dans la vie quotidienne. Certes de nombreux entrepreneurs se sont lancés dans l’aventure mais très peu d’acteurs majeurs mettent à disposition un tel moyen de paiement[1] ;
    
  •     de nombreuses sociétés sont forcées d’investir dans des solutions à long terme basées sur la blockchain sans en faire véritablement la publicité[2] ;
    
  •     les banques, quant à elles, se positionnent déjà sur ce marché de manière hétéroclite. Ainsi, différentes entités de réflexion ont vu le jour[3]. Ces dernières contribuent à l’essor des compétences transversales financières et informatiques en permettant la rencontre d’institutions comme Microsoft ou JP Morgan. Ces entités contribuent aussi à une collaboration à haute valeur ajoutée pour des acteurs du conseil et de l’audit tel qu’Accenture ou Deloitte, en participant activement aux initiatives du monde universitaire (exemple : UCLA Blockchain Lab).
    
  •     enfin, l’incertitude des régimes légaux et des prises de positions politiques démontrent le niveau d’incompréhension et de craintes des régulateurs et des législateurs. Pour exemple, la Chine et la Turquie ont choisi d’interdire les cryptomonnaies alors que de nombreux pays ont délégué cette tâche à leurs services financiers et fiscaux. De manière générale, nous constatons que les pouvoirs législatifs peinent à trouver un modèle de réglementation qui soit à même de protéger les acteurs tout en leur permettant d’être compétitifs sur le marché. A ce jour, seul le Japon, pays pionnier, misant énormément sur les technologies de pointe, a adoubé les cryptomonnaies comme monnaies à part entière.
    

Prenant la mesure de cette cacophonie politique, les cryptomonnaies se sont invitées au forum économique de Davos et sont déjà annoncées comme l’un des sujets majeurs du G20. Cette instabilité pénalise les acteurs de la blockchain qui sont entravés par des mesures législatives non harmonisées, et, à de nombreux d’égards, incohérentes pour le marché.

La connaissance de l’histoire/historique de chaque cryptomonnaie étant essentiel pour juger de la pertinence de la valorisation, maitriser l’information est un préalable indispensable. De façon simplifiée, il existe deux types de canaux d’information :

  •     les canaux dits ouverts (presse généraliste et spécialisée, réseaux sociaux, médias divers) ;
    
  •     les canaux fermés (exemple groupe privés Telegram, échange d’information directe entre experts).
    

Il est notable de constater que l’influence des informations sur le marché est contrebalancée par une multitude de canaux d’information dont le niveau d’information et la qualité varient grandement d’une source à une autre.

Le Bitcoin étant issu d’internet et s’étant développé sur ce réseau, de nombreuses sources non conventionnelles ont été utilisées afin de rassembler les informations. Ainsi, les réseaux Reddit et Telegram sont devenus des canaux d’information de valeur alors même que la presse financière traditionnelle est parfois jugée biaisée et raillée.

Ce nouveau marché a ainsi permis à plusieurs plateformes digitales de se constituer comme des relais qualitatifs et nécessaires. Pour les ICO, il est aujourd’hui primordial, afin que les projets soient considérés crédibles, de proposer a minima un lien vers un compte Twitter, un groupe Telegram ainsi que les profils des employés sur LinkedIn.

Cette nécessité d’information répond à deux problématiques :

  •     le marché étant encore en création, il n’existe pas de média de référence permettant de juger de la qualité des informations de manière exhaustive et impartiale ;
    
  •     le Bitcoin étant un phénomène planétaire, ses acteurs ont besoin d’affirmer leurs compétences sans restriction géographique ni médiatique.
    

Le marché des cryptomonnaies s’étant développé en parallèle des marchés financiers traditionnels, de nouveaux médias spécialisés ont fait leur apparition. Ainsi Coindesk et CoinTelegraph, tous deux acteurs majeurs de l’information sur la blockchain, ont acquis une crédibilité comparable à celle de leurs benchmarks de référence (Google, Mozrank) et sont désormais proches de sources quasi institutionnelles comme le Wall Street Journal.

Un dernier aspect atypique de ce marché réside dans la typologie des informations et de leurs sources. Contrairement à des revues économiques et industrielles, relais d’experts à destination de leurs lecteurs, les plateformes d’information concernant le Bitcoin sont très souvent participatives. Mis à part les sites d’information tels que Coindesk ou CoinTelegraph, les réseaux sociaux, forums et autres groupes de discussion jouent un rôle prédominant. Cette dynamique a bien été comprise par les créateurs des plateformes d’échanges qui possèdent quasi unanimement un fil de discussion Reddit officiel ainsi qu’un compte Twitter au travers desquels ils interagissent avec leurs clients potentiels. Ces plateformes permettent ainsi de satisfaire à la fois aux fonctions de canal de communication corporate, de service après-vente ainsi que d’espace de discussion entre utilisateurs.

Fort de tous ces prérequis, il est possible d’étudier à présent la valorisation des cryptomonnaies.

Les développements ci-après transposent la théorie classique de la valeur applicable aux actifs aux cryptomonnaies (les hypothèses doivent en tout état de cause être réévaluées pour la cohérence des modèles mais ces procédés ne font pas l’objet du présent article)[4].

III. Valorisation

Nous supposerons deux hypothèses classiques et simples (évidemment imparfaites mais nécessaires pour initier la réflexion) :

  •     risque neutre : un investisseur paye exactement la valeur de l’espérance de gain d’un actif pour investir dans cet actif[5] ;
    
  •     pas d’arbitrage : deux actifs identiques ont le même prix.
    

Il existe plusieurs types de valorisations notamment fondamentale, comparative et technique qui peuvent être macroéconomiques ou microéconomiques.

Pour commencer, il convient de définir comment l’Economie et les humains en général conçoivent la valeur et les paramètres fondamentaux de celle-ci.

Sans revenir sur les modèles économiques primaires ou les notions philosophiques, nous comprenons aisément que la notion de valeur dépend intimement de la nature de l’objet considéré ainsi que de son utilisation. Nous comprenons, dès lors, qu’il est possible de distinguer la valeur intrinsèque (la valeur inhérente d’une chose hors de toute considération de marché) de la valeur d’utilisation (valeur d’usage) (quid du prix de l’eau dans le désert ?) et de la valeur de marché (valeur à laquelle l’objet est immédiatement disponible). Ainsi, les notions de rareté/substituabilité des biens sont à considérer et sont liées à la notion de valeur intrinsèque et de valeur d’usage. De même la période/l’horizon de temps et le marché cible sont d’autres facteurs simples à considérer qui impactent la valeur.

D’un point de vue financier, plusieurs paramètres sont pris en considération pour valoriser des actifs financiers, pour exemple :

  •     macroéconomiquement : temps, taux d’intérêt directeurs, chômage d’un pays, risque pays, croissance mondiale, balance commerciale, etc.
    
  •     microéconomiquement : temps, notionnel, taux d’intérêt spécifique, paramètres intrinsèques de l’actif (valeurs clés historiques, densité de probabilité, volatilité), risque de contrepartie, de corrélation, d’illiquidité, etc.
    

Il n’est pas évident de réconcilier la valorisation d’un point de vue macro et microéconomique, même si les modèles les plus sophistiqués devraient intégrer l’ensemble des différentes variables (en collectant les données applicables à tout le marché et en les valorisant de façon exacte selon le modèle choisi, ce qui n’est pas à ce jour envisageable).

Pour comprendre la complexité de la valorisation, le cas des sociétés est souvent utilisé pour démontrer la pertinence ou la non pertinence de la multiplicité des méthodes applicables. Nous illustrons ci-dessous un cas encore plus simple mais plus intelligible, ne requérant pas de connaissances comptables pour apprécier cette complexité.

Le prix d’un bien immobilier dans Paris, selon les trois méthodologies :

  •     comparative : combien vaut le prix au m² dans l’arrondissement ? ;
    
  •     fondamentale : le prix d’un loyer vaut X €/mois, les taxes coûtent Y €/an, il existe tels et tels autres charges et produits calculables sur N années donc le prix de mon appartement est de Z € ;
    
  •     technique : le prix de mon appartement à ce jour est de 1 million d’€ mais il était de 1.1 millions d’euros depuis 10 ans. Je considère que la valeur intrinsèque réelle est de 1.1 millions d’euros et agirai en fonction.
    

Nous comprenons la difficulté de réunir de façon cohérente ces trois visions pourtant légitimes. Nous développons ci-après plus en détail la méthodologie de chacune de ces méthodes.

  1. Modèle comparatif/benchmark

Une des premières méthodes consiste à comparer les actifs à valoriser à des valeurs de références/comparables/benchmark.

Le prix d’un actif sur le marché vaut le prix d’un actif similaire sur le marché.

Exemple : Mon appartement vaut 10 k€/m², l’appartement d’en face qui fait la moitié de la superficie du mien vaut-il moitié moins ?

De façon similaire, si le prix de l’Ethereum est de 40 $ en avril 2017, que le prix du Bitcoin est de 1 000 $ et que je considère que les cryptomonnaies sont plus ou moins similaires, dois-je conclure que si le prix du Bitcoin est de 20k$ en décembre celui de l’Ethereum est de 800 $ en décembre ? (l’Ethereum avait une valeur proche des 800 $ durant cette période). La réponse n’est évidemment pas si simple et la difficulté réside dans les éléments de comparaison. Dois-je considérer le prix ? Son évolution ? La courbe historique ? Jusqu’à quel degré de ressemblance/différence puis-je me permettre l’analyse ou la non analyse ? La difficulté réside dans ce qui peut être comparé et pourquoi !

La comparaison, plus ou moins poussée selon le degré de technicité, permet de tirer des conclusions quant à la valeur (relative dans le temps et tributaire d’un référentiel (données disponibles sur les comparables)).

Cette approche simpliste réside sur un consensus des valorisateurs qui, d’un commun accord tacite ou exprès (pratiques des affaires, contrats définissant les paramètres de valorisation, lignes directrices des régulateurs ou normes du législateurs), et pour la facilité de la réflexion, finissent par s’accorder sur une méthodologie commune de choix dans les comparables. Ainsi, arbitrairement la variation relative du prix sur un an pourra être considérée comme un comparable. Lorsque les conditions de marché évoluent, les valorisateurs réévaluent leurs hypothèses et modifient les comparables ou les ajustent (en modifiant certains coefficient fondamentaux) afin de prendre en considération ces évolutions.

Pour exemple, il est possible de considérer que les rendements des forks d’une cryptomonnaie ou une cryptomonnaie s’appuyant sur la technologie d’une autre cryptomonnaie se comportent de façon proportionnelle au rendement de la monnaie de référence (XBT, BCH, BTG) (ETH, ETC, EOS). Nous pouvons en déduire des relations simples comme la suivante : à un instant t

Variation relative (XBT/USD) = coefficient (t, XBT/USD, BCH/USD, etc.)) * Variation relative (BCH/USD)[6].

Force a été de constater très récemment que les cryptomonnaies, malgré quelques différences sporadiques, se sont comportées de façon uniforme et qu’une relation simple les liant pouvait être déduite telle que :

Variation relation (de la crypto 1/XBT) = coefficient 1 * Variation relation (de la crypto 2/XBT) = coefficient 2 * Variation relation (de la crypto 3/XBT) = etc.

  1. Valeur fondamentale :

La valeur fondamentale est définie en raison de la nature de l’actif considéré. Il s’agit de la technologie/innovation/qualité intrinsèque de l’actif.

Comme la théorie de la valeur fondamentale essaye de décrire la nature même de la valeur d’un actif. Il est donc nécessaire de connaître avec une très grande précision et de façon très exhaustive toutes les caractéristiques de l’actif pouvant avoir un impact financier.

Ce calcul se construit en plusieurs étapes et constitue de loin le calcul le plus utile et le plus complexe. Il requiert la collecte de données de plusieurs experts et la création de modèles nécessitant de longues séries de tests ainsi qu’une éducation/sensibilisation des investisseurs aux modèles utilisés.

Pour un appartement :

Il faudra mesurer exactement la surface (mais aussi les volumes et périmètres, pourquoi pas ?), la nature du voisinage (autres biens immobiliers à proximité, nature des locataires potentiels), le régime d’imposition applicable, les conditions légales et règlementaires, la situation du marché de l’immobilier parisien, voire de l’économie française, etc. Ces informations doivent être prises en compte à l’instant de la valorisation en calculant les valeurs futures sur un horizon de temps potentiellement infini de chacun des paramètres.

Ayant acheté votre appartement à 1m€. A combien estimez-vous votre acquisition si :

  •     Le prix des loyers parisien double ?
    
  •     Le maire de Paris est réélu ?
    
  •     Votre copropriété améliore son impact écologique ?
    
  •     Une boulangerie ouvre en bas de chez vous ?
    

La problématique est encore plus difficile pour les cryptomonnaies qui reposent sur des technologies inconnues des financiers et généralement peu connues des professionnels de l’informatique.

a) Compréhension de l’impact technologique sur la valeur

Pour reprendre les bases de la technologie associée aux cryptomonnaies, rappelons que la blockchain est une base de données (un fichier informatique contenant des informations) stockée et transmise selon une technologie propre. Les cryptomonnaies se fondent sur cette technologie en y ajoutant des composantes propres à leur fonctionnement. Pour exemple, cette base de données n’est pas nécessairement décentralisée, en revanche nombreuses sont les cryptomonnaies qui s’appuient sur la blockchain en y ajoutant le caractère décentralisé (Bitcoin, Ethereum, etc., par opposition notamment au Ripple).

La décentralisation implique notamment la validation des transactions par des organes décentralisés appelés mineurs. A l’heure actuelle, les mineurs ont une double fonction :

  •     découverte de nouveaux blocs (minage au sens strict) (qui constitue la principale source de rémunération du minage)[7] ;
    
  •     validation des transactions.
    

Une fois les derniers blocs découverts, le minage au sens strict sera impossible, ce qui permettra de libérer les ressources. La rémunération des ex-mineurs reposera alors uniquement sur la validation des transactions qui dépendra du volume de transactions validées.

Nous voyons apparaître ici, l’un des principaux enjeux actuels de ces nouvelles technologies (la diminution des coûts de transactions, l’augmentation de la vitesse de validation, l’effectivité de l’utilisation d’une cryptomonnaie dans l’économie réelle). Les solutions pouvant être apportées pour résoudre ces problématiques sont tributaires de la technologie sous-jacente et font souvent l’objet de controverses qui aboutissent parfois à la scission des équipes historiques de développeurs (cas du Bitcoin et du Bitcoin cash)[8]. Cette scission appelée fork (fourche) crée une nouvelle cryptomonnaie dont les solutions techniques divergent de la première tout en conversant certains des attributs phares de la cryptomonnaie d’origine. Il s’agit alors d’une lutte interne, technologie contre technologie éloignée des enjeux financiers des marchés.

Le fork n’est qu’un moyen parmi d’autres de splitter une cryptomonnaie et ainsi créer une nouvelle cryptomonnaie portant la vision de ses développeurs. La facilité de lever des fonds par les cryptomonnaies pour les startups a conduit ultérieurement à la naissance des ICO, stratups dont le projet est en relation avec la blockchain.

Pour comprendre en quoi deux cryptomonnaies peuvent diverger, nous pouvons étudier le cas du Bitcoin et de l’Ethereum particulièrement probant. Le Bitcoin permet de retracer l’ensemble des transactions intervenues depuis la création du Bitcoin. Ces transactions ne permettent pas l’anonymat. Le Bitcoin ne permet pas de modifier la méthodologie de validation des transactions, chaque mineur doit vérifier la transaction selon la méthode imposée par le Bitcoin. Dans le cas de l’Ethereum, il est possible, par exemple, pour chaque mineur de valider la transaction selon une méthodologie qui est propre au contrat en cours de validation. Plus fondamentalement, l’Ethereum peut être conceptualisé comme un code open source dans lequel chacun des participants apporte sa contribution grâce à des smart contracts/contrats intelligents dont le langage est turing-complet. Cependant ce procédé est sensible à l’erreur humaine. Le Bitcoin est limité à 21 millions de Bitcoins, l’Ethereum ne l’est virtuellement pas. Le Bitcoin est sécable jusqu’au Satoshi.

Plusieurs autres cryptomonnaies ont été créées depuis l’apparition du Bitcoin avec des propriétés différentes notamment celles permettant de garantir l’anonymat, rendre la monnaie infiniment sécable, créer des paniers de cryptomonnaies, définir les règlementations qui leur sont applicables, etc.

Au final, afin de définir la valeur intrinsèque technologique d’une cryptomonnaie, il est nécessaire d’en comprendre la programmation, l’interaction avec la blockchain et ses avantages concurrentiels. Plus qu’une étude informatique, il est nécessaire d’étudier le marché cible et son business modèle.

b) Choix de la modélisation applicable

Comme évoqué, la valorisation fondamentale suppose l’existence de modèles de valorisation pouvant servir d’outils de prévision.

Plusieurs approches classiques ont tenté de modéliser la valeur des cryptomonnaies :

  •     comparaison des modèles applicables à certains actifs financiers :
    

La problématique est d’autant plus difficile pour les cryptomonnaies qui ne se comportent pas comme des titres de capital ou de dette (pas de détachement de dividende ou de coupon ; la cryptomonnaie ne représente pas non plus un droit sur un élément du bilan d’une société). De plus, les cryptomonnaies ne sont pas non plus des monnaies (garanties par l’économie réelle d’un Etat) ni non plus des matières premières. Aucun des modèles utilisés sur les actifs financiers classiques ne leur sont applicables. Elles se trouvent néanmoins au confluent de ces notions. Pour exemple, peut-être pouvons-nous considérer que le Bitcoin se comporte comme une monnaie jusqu’à ce que l’ensemble des Bitcoins soient minés et qu’il se comportera comme une matière première ensuite, lorsqu’il sera en quantité limitée sur le marché ?

  •     utilisation des contrats dérivés
    

Les futures sur Bitcoin, apparus en novembre 2017, mettent en évidence un procédé similaire de valorisation aux autres classes d’actifs. Seuls le prix spot affiché sur le marché et la tendance actuelle permettent d’obtenir un prix de future à l’aide d’une simple formule fermée[9]. Qu’en est-il pour le prix du sous-jacent lui-même ? Malgré l’intérêt économique et théorique des cryptomonnaies, l’analyse de leur dynamique ne fait toujours pas l’objet d’un consensus.

  •     utilisation de modèles ad hoc
    

Jusqu’en décembre 2017 l’équation qui régissait le marché du Bitcoin était assez simple : le prix du Bitcoin était proportionnel au nombre d’acteurs composant le marché multiplié par la valeur moyenne des transactions (le comportement d’un marché en bulle dans sa première phase). Quid lorsque la bulle vint à éclater ? La dynamique des prix s’apparente, dans cette configuration de marché, à un processus à saut ou une fonction exponentielle difficilement prévisible et il devient alors plus judicieux d’utiliser une approche économique que mathématique.

  •     valeur économique
    

Une autre méthode pourrait consister à considérer les coûts de production des cryptomonnaies, à savoir quel est le prix en dollars de la validation d’une transaction d’une unité de cryptomonnaie. A ce jour, cela revient à estimer le coût du minage (indirect), coût qui est en constante augmentation pour le Bitcoin en raison de sa nature (les coûts de minage sont de plus en plus élevés en raison de l’augmentation du temps et des ressources nécessaires pour valider les transactions).

  •     valeur d’usage/sociale
    

Enfin, de nombreux partisans des cryptomonnaies justifient (notamment dans de nombreux white papers d’ICO) la valeur fondamentale des cryptomonnaies par leur valeur d’usage et/ou sociale. Cette valeur repose sur le postulat hypothétique que la valeur d’une cryptomonnaie augmente selon la loi de Metcalfe[10] ou de lois similaires, prenant en compte le nombre d’interconnexions entre utilisateurs. S’il est certain que les cryptomonnaies ont un impact social, celui-ci ne saurait être évalué si simplement et ne saurait non plus constituer la base de la valorisation de celles-ci.

  •     processus stochastiques
    

Les modèles à volatilité stochastiques et autres processus aléatoires pourraient s’avérer pertinents et robustes pour valoriser les cryptmonnaies, néanmoins le manque de données historiques ne semble pas pour l’instant permettre un calibrage assez fin.

Peu d’études ont été réalisées à ce jour et aucun modèle ne fait pour l’instant l’objet d’un consensus. En effet, dans un marché relativement récent il est difficile de collecter une quantité suffisante de donnée mais ce marché entre probablement dans une phase de maturation et peut être de stabilisation, où les phénomènes de convergence deviendront plus visibles et où l’utilisation de modèles sera de plus en plus pertinente.

La valorisation fondamentale des cryptomonnaies sera donc un savant mélange de l’ensemble des approches fondamentales déjà développées.

En conséquence, l’absence de valeur intrinsèque se traduit par l’absence de confiance dans la valeur de marché des cryptomonnaies. Autre conséquence, il est possible que la valeur spéculative des cryptomonnaies dépasse de plusieurs fois la valeur fondamentale de ces dernières, ce qui justifierait les corrélations impressionnantes des cryptomonnaies entre elles, notamment en période de crise. Pour exemple, si nous considérons que la valeur intrinsèque des cryptomonnaies est proche de 5 à 10 fois la valeur de leur introduction sur le marché, l’ensemble des cryptomonnaies possédant une valeur de marché plus de 100 fois supérieure à leur valeur d’introduction sont considérées comme ultraspéculatives et vouées à subir les mêmes mouvements de marchés que leurs consœurs en l’absence de modèles de valorisation fondamentale.

Le temps permettra néanmoins d’ancrer un certain niveau de valeur de marché dans l’inconscient collectif et de rapprocher cette dernière de la valeur fondamentale.

  1. La valeur technique :

Dernière approche de la valeur, la valeur technique qui se déduit de l’analyse technique. L’analyse technique repose sur la conception que les prix et volumes passés permettent de déduire les prix futurs. Dès lors, seule l’étude de la courbe des prix (dans une faible mesure) et de façon plus complète l’étude du carnet d’ordres pourraient suffire à définir le prix indépendamment de toute autre considération.

L’analyse technique repose sur l’étude d’indicateurs inhérents au graphe allant d’indicateurs :

  •     simples (résistance, support, moyenne mobile, chandelle, etc.) ;
    
  •     plus sophistiqués (ATR, Ichimoku, SAR, Bollinger, etc.) ;
    
  •     « figures » ou motifs particuliers (M, W, tête-épaule, marteau, vagues d’Eliott, etc.).
    

Ces indicateurs tentent de traduire et d’anticiper les comportements psychologiques des acteurs et sont intimement liés à l’étude de la finance comportementale. Ces indicateurs sont donc à la fois des indicateurs de tendance des prix mais aussi de sentiment du marché.

Pour exemple, le franchissement du seuil de 10k$ pour le Bitcoin a été vécu comme une étape majeure, au même titre que le franchissement psychologique du seuil des 1$ pour le Ripple. Dès lors, si le marché estimait que la valeur du Bitcoin était largement supérieure à 10k$ (le Bitcoin a été évalué à 20k€, un mois plus tard, sur certaines plateformes), il est étonnant de constater que le Bitcoin ait pu franchir ce palier, cette fois-ci à la baisse, seulement un mois plus tard, comme le Ripple le palier des 1$ sans résistance aucune (ce qui aurait dû être le cas pour un marché classique).

L’une des difficultés majeures de l’analyse technique est qu’elle est un phénomène autoréalisateur qui suppose l’intervention coordonnée de plusieurs acteurs sur le marché utilisant cette méthode. Or, le marché des cryptomonnaies n’est pas dirigé par ce type de valorisation car des méthodes plus rentables existent pour les acteurs chevronnés ou capables de manipuler le marché. Pour exemple, à haut niveau le trading ne s’effectue plus ordre par ordre mais par paquets d’ordres ou ordres d’échelle (scale orders). Ces ordres sont répartis dans le carnet d’ordres selon une certaine densité définie par les traders. Ces ordres permettent, en probabilité, de minimiser le temps de maximisation du profit. Beaucoup de traders intraday ont d’ailleurs dû s’apercevoir durant les trois derniers mois que les résistances du carnet d’ordres étaient mouvantes, adaptées en fonction de la volatilité du marché malgré l’importance des volumes échangés. Trader les cryptomonnaies nous a semblé comparable à marcher sur de la neige plus ou moins dense (en fonction de la densité du carnet d’ordres). L’absence de valeur fondamentale contribue à l’absence totale de repères lorsque le marché s’inverse – les acheteurs potentiels, uniquement spéculateurs, choisissent alors de vendre leur position au lieu de les tenir, préférant générer un profit immédiat et réinvestissent à la baisse plutôt que subir une éventuelle perte durable. Si le marché était composé de personnes qui croyaient fondamentalement à la valeur des cryptomonnaies (believers), le marché n’aurait pas une telle volatilité baissière, les résistances existeraient et l’analyse technique aurait vocation à s’appliquer. Il faut aussi noter qu’en raison de l’extrême volatilité, une journée de trading sur le marché des cryptomonnaies peut correspondre à une année pour un marché classique ce qui contribue à la perte de repère des traders moyen et long terme.

Pour atténuer ce point de vue, notons que les baisses de 50 % ne sont pas rares et sont mêmes très fréquentes depuis la création des cryptomonnaies. En effet, la valeur de ces dernières n’a fait qu’augmenter en moyenne et de façon démesurée depuis leur création et qu’il est improbable que ces valeurs se maintiennent en dessous de leur valeur d’origine au vu des avancées technologiques sous-jacentes. Nous constatons aussi que dans le cas du Bitcoin, les détenteurs les plus importants sont des holders qui continuent à accumuler du Bitcoin. Devons-nous en déduire que le Bitcoin doit s’apprécier dans le futur ?

L’analyse technique doit pour l’instant servir d’outil de confirmation plus que d’outil de trading, le marché étant encore trop volatil et trop jeune pour en appliquer les fondamentaux.

En conclusion, le trading des cryptomonnaies est certainement l’un des tradings les plus complexes à l’heure actuelle et le plus incertain. Chaque information doit être mesurée en fonction de sa pertinence et de son impact sur les autres acteurs, en gardant à l’esprit qu’in fine le marché est susceptible de manipulation.

D’un point de vue technologique nous sommes au début de l’ère des cryptomonnaies, celles-ci ont vocation à être régulées puis à prospérer selon les lois du marché. Concernant la valeur, il semble difficile d’apporter une réponse définitive ; il serait possible que certaines cryptomonnaies comme le Bitcoin n’aient pas vocation à franchir à nouveau le seuil de leur maximum historique (20k$ pour le Bitcoin), remplacées à terme par des cryptomonnaies plus performantes pour lesquelles les heures de gloire ne sont pas encore arrivées.

En dernière conclusion les cryptomonnaies vont continuer de faire battre le cœur de la planète finance dans les années à venir pour converger peu à peu, au fil des régulations et des participations d’intérêts divergents, vers un comportement similaire aux marchés classiques. Nous suivrons avec grand intérêt cette épopée technologique et financière.


Jérôme Blanchet

Grégory Wawszyniak-Dumont

Ivan Wawszyniak-Dumont

Alexandre Benami

[1] L’exemple de la plateforme Steam, entreprise spécialisée dans la vente de jeux vidéo, est particulièrement illustratif. Dans un premier temps, celle-ci a permis les transactions en cryptomonnaies afin de bénéficier du buzz cependant cette dernière a rapidement dû mettre fin à l’expérience en raison de la volatilité des prix mais aussi du coût de transaction élevé.

[2] Parangon de ce paradoxe, la rivalité entre la société Ripple et le service de télécommunication interbancaire SWIFT. Ripple, acteur du marché des cryptomonnaies, a pour ambition de détrôner l’acteur majeur des services interbancaires. Alors que cette lutte présageait une destinée funeste pour le Ripple, le soutien de nombreuses banques a inversé la tendance, indicateur positif pour le marché de la crédibilité du projet. La direction de SWIFT s’étant tout d’abord montrée réticente à intégrer la blockchain à leurs services celle-ci a dû s’adapter afin de faire face à cette nouvelle menace en développant un nouveau programme d’innovation, le GPI, qui a pour ambition d’utiliser cette technologie.

[3] consortium R3 ou du projet Hyperledger.

[4] Ne font pas non plus l’objet de cette étude les méthodes de valorisation et d’optimisation des portefeuilles, objet de l’asset management/gestion d’actifs (les actifs y sont analysés comme des variables ayant des caractéristiques intrinsèques permettant d’établir selon les objectifs de chaque investisseur, le portefeuille optimal (à défaut le plus efficient) pour l’investisseur). Ne font non plus l’objet de cette étude, les méthodes permettant d’optimiser les profits par la mise en œuvre de stratégies de trading.

[5] Exemple, un investisseur ayant autant de chance de gagner ou de perdre une même somme, ne sera pas prêt à payer pour réaliser l’investissement, ni ne se fera payer pour qu’on le convainque d’investir.

[6] Le coefficient pouvant être affiné en fonction des évolutions.

[7] Un des premiers reproches de cette technologie repose sur la consommation d’énormes quantités d’énergie.

[8] Bien que le Bitcoin cash ait par la suite abandonné l’idée de « rallonger » les blocs en raison des pressions du marché.

[9] Solution dite explicite ou analytique. Pour exemple les fonctions du type : Prix(paramètre 1,paramètre 2, etc.)=… sont des solutions fermées.

[10] Loi emprique qui précise que certains réseaux de N utilisateurs connectés entre eux se développement en suivant une loi équivalente à N*(N – 1)/2 ~ N²/2.

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