Les rues d'une vie passée

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Je marchais seul dans les rues de mon ancien village.
La place était bondée de monde et j'ai vu tant de visages inconnus entassés devant l'église ou aux tables à l'extérieur des bars. Des étrangers qui n'étaient pas là auparavant, comme si ces six dernières années, il y avait eu un renouveau, comme si tant de personnes étaient parties et que d'autres étaient venues occuper les places laissées vacantes.
Même l'endroit qui deviendrait le mien, alors, celui qui m'appartenait et que je ne voudrais pas récupérer.

Il y avait tant de voix belles et joyeuses autour de moi, mais je m'écoutais, ce bruit sur l'asphalte, cette démarche insouciante de ce qui se passait au-delà de mon corps.
Autrefois, quand j'étais enfant, j'avais l'habitude de marcher dans ces rues plusieurs fois par jour, mais maintenant je n'étais qu'un touriste prêté pour quelques heures, une figure ordinaire dont le souvenir se perd dès qu'il part.
J'ai atteint le quartier le plus ancien, où les maisons s'accrochent les unes aux autres en formant un labyrinthe dans lequel seuls les connaisseurs semblent pouvoir entrer et sortir indemnes.
Je me suis souvenu d'autres moments, d'autres âges, d'autres personnes. Je les ai vus passer devant moi, acteurs insubstantiels d'une vie passée. Des fantômes dépourvus de corps mais qui dégoulinent encore de sang et d'âme.
J'ai revu Luca, Federica, Monica, Matteo, Alessio, Davide, Valentina. Il y avait un silence que seuls les aboiements des chiens interrompaient de temps en temps, sans égratigner un tant soit peu ces souvenirs qui étaient venus me tenir compagnie.

Je suis donc revenu sur mes pas et peu après, j'ai rejoint ma petite amie.
Nous avons acheté un petit cadeau pour mes parents et après une dizaine de minutes, nous étions avec eux.
J'ai pris le chat dans mes bras, je l'ai fait avec la bravade de quelqu'un qui ne s'attend pas à être rejeté, mais c'était aussi une urgence, un besoin.
Il devait rester sur moi, dans mes bras, je sentais que je devais retrouver cette tendresse, ce regard sournois des yeux jaunes, cette chaleur qui m'avait tant manqué aux jours de séparation.

Ce sentiment d'affection qui un peu vous fait pleurer, un peu vous fait sourire, un peu remplit des morceaux que vous ne saviez pas être vides.
Ce n'est qu'après coup que je me suis senti un peu apaisé, mais jamais assez, jamais complètement.


photo source: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/ville-rues-batiments-ete-5829093/

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Ecency