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Peter, une vie sans école

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Peter, moniteur de kitesurf

Arrivé récemment sur une plage isolée de sud Malgache, nous avions rencontré Peter alors que nous construisions notre maison de bois. Ce jeune et sympathique Malgache était devenu notre employé unique presque naturellement. Il était né sur cette plage et y avait passé presque toute son enfance racontée dans la première partie de cet article. De cette rencontre sont nés trois années passées ensemble au quotidien, la durée de notre séjour á Madagascar. Une rencontre imprévue qui a sûrement un peu changée notre vie à tous, une aventure dont l’histoire recommence maintenant.

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Peter partage notre vie

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Une fois notre maison construite nous avons ouvert une petite entreprise, assez difficile à définir, nous dirons aventure et découverte. Nous faisions du kitesurf en cours ou en expéditions, des randonnées en kayak, du surf, du stand up paddle et parfois des randonnées en quad, seul moyen terrestre de se déplacer avec la moto ou les 4*4 peu répandus. Peter avait beaucoup d’expérience de l’eau, le surf ou le kayak étaient instinctifs pour lui mais nous sentions qu’il mourrait d’envie d’apprendre le kitesurf. Observateur, il avait déjà assimilé le matériel et la théorie. Il m’aidait avec les clients pour la sécurité à terre ce qui lui donnait une idée du fonctionnement et des risques éventuels.

Initiation au kitesurf

J’hésitais un peu à initier Peter, non que je doutasse de ses capacités, plutôt peur de le faire rentrer dans une activité dans laquelle il pourrait se blesser. Sur notre plage isolée, sans médecin ni transport, la moindre blessure pouvait prendre des proportions alarmantes. A 18 ans je savais que l’on n’a peur de rien et que l’on prend des risques. Les jours passant me faisaient réaliser que je ne couperais pas au petit stress de voir Peter naviguer et a sa plus grande joie je me laissais finalement convaincre d’entreprendre sa formation.

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Se fût facile à vrai dire, Peter connaissait les étapes et leurs objectifs pour avoir vu apprendre des clients. Il avait le physique et la jeunesse. La connaissance de l’eau et des vents lui était naturelle. Juste une petite anecdote, à la deuxième session, Peter n’a pas réussit immédiatement l’objectif. Vexé, il est repartit avec une volonté et une détermination farouche. Je craignais un moment qu’il passe la journée dans l’eau sans vouloir sortir en cas d’échec. Mais tout c’est bien passé et Peter naviguât rapidement.

En un an environ l’élève avait dépassé, ce qui fit réaliser à ce dernier, qu’à partir de lá il allait falloir compter avec la variable âge dans la vie. Pas vraiment un moment difficile, une petite étape malgré tout. Il n’est plus question d’être bon ou mauvais dans une activité mais d’être bon … pour son âge. C’est aussi un piège car c’est l’excuse majeure, plus la peine de lutter puisqu’on ne peut lutter avec l’âge ! Heureusement, sur place les conditions obligeaient souvent à lutter, l’aide de Peter est devenue importante puis indispensable sans me dispenser des efforts.

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Peter est devenu une petite star locale, le seul Malgache à pratiquer le kitesurf dans notre région. Les clients l’aimaient beaucoup également, il avait de bons pourboires. J’ai la faiblesse de penser que cela a était une période heureuse de sa vie. Evidemment notre vie ne se résumait pas au kitesurf, loin de là mais c’est cette activité qui a, à cette époque changée la vie de Peter.

Un avenir sous forme de question

Un jour il a fallu quitter Madagascar. C’était écrit depuis le début mais on fini par ne plus y penser. Les économies fondent toujours plus rapidement que prévu, de nouvelles charges apparaissent, de nouveaux projets également. C’est notre vie qui est ainsi, nomades dans l’âme, heureux presque partout nous avons besoin d’espace, de nouveauté, de découverte. Besoin de se remettre en question. Je pensais que cela passerait avec l’âge mais force est de constater que pour l’instant ce n’est pas le cas.

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Dans les départs, on laisse toujours des amis derrière. On s’y habitue, certains comprennent d’autres moins, certains nous oublient d’autres jamais. Certains parfois nous en veulent un peu, mais ceux lá pardonnent toujours. C’est une façon de trier ses connaissances, bien involontaire évidemment mais effective. Lorsque l’on revient quelques années plus tard, en visite, on sait de suite ceux qui dégagent du temps pour nous.

Le départ s’est profilé dés le début de la troisième année pour se confirmer petit à petit. Au début nous n’en parlions á personne, pas la peine de changer notre vie trop tôt, mais petit á petit il faut commencer à mettre les proches au courant. L’annoncer á Peter fût un moment difficile, il allait nous manquer mais pour lui la vie allait changer. J’avais réfléchi à toutes les solutions, je voulais que Peter reprenne le club de kitesurf, j’étais prêt à faire tous les efforts pour ça. Une petite voie intérieure me disait que se serait difficile.

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C’est là que l’on retombe sur le problème de l’éducation. Peter était un super moniteur. Dévoué, attentif, enthousiaste, dédié à 100% à son objectif. Chaque client était pour lui un défit à relever. Son poids en or ne lui aurait pas donné la satisfaction de ce moment, oú le client s’arrache de l’eau pour glisser pour la première fois sur sa planche. Peter se débrouillait beaucoup mieux en Français que trois ans plus tôt. Mais Peter ne savait pas répondre á un email, économiser pour renouveler le matériel, décider de ses prix …

Nous avons essayé de préparer le mieux possible mais cela n’a pas marché. Les plans A, B et C n’ont pas duré plus d’un mois. Peter ne pouvait pas tenir sa propre entreprise mais était trop autonome pour accepter les règles d’un patron. Peut-être mon activité artisanale, sans ambition, se prêtait-elle bien à ces objectifs, peut-être le côté humain que nous avions construit le permettait, je ne sais pas mais au fils des mois qui ont suivi toute tentative a échouée. Peter a essayé plusieurs travails, dans le kitesurf et dans des domaines différents. Il a changé d’endroit, de patron, tenté des investissements.

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Malgré les réseaux d’amis que nous avons tissé, les liens que nous conservons avec la famille de Peter, nous perdons souvent sa trace pendant plusieurs semaines voire mois. Il finit par réapparaitre, toujours sans projet particulier pour l’instant. Les communications directes sont presque impossibles. Nous espérons que sa vie lui convient malgré tout. J’espère qu’un jour nous aurons l’occasion d’aller le retrouver sur place.

Je n’arrête pas de penser que si Peter avait pu disposer d’une scolarité minimale les choses auraient été complètement différentes. Des choses qui nous semblent simples comme se connecter à internet, ouvrir un compte en banque, écrire un email, commander du matériel n’aurait pas était un obstacle infranchissable. Peter aurait pu reprendre l’école de kitesurf à la grande satisfaction de tous ses clients.

C’est une des raisons, probablement la principale, qui m’a faite adhérer immédiatement au projet d’Alain et Monique de création d’une école dans un village voisin mais au caractéristiques identiques á celui de Peter. Une école qui, à mon avis, change positivement l’avenir des petits Peters. Un projet certes limité dans l’espace mais qui a le mérite d’exister.

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Les enfants de l'école Graines de sable